Les sous-marins chinois : un “game changer” stratégique ?
Le sous-marin figure en bonne place parmi les unités navales des marines de premier plan et représente une arme particulièrement importante. Du fait de sa nature furtive, il induit un déséquilibre fondamental avec l’adversaire. Contrairement aux unités de surface, toujours visibles et repérables, le sous-marin se meut dans un environnement aquatique relativement opaque. Sa force, sur les plans tactique comme stratégique, repose par conséquent sur le caractère latent de sa menace. A ceci s’ajoute le fait qu’il demeure l’arme la plus efficace pour lutter contre d’autres sous-marins. La recherche d’une supériorité en nombre et en qualité représente donc le principal défi posé aux grandes puissances navales aujourd’hui, dans un environnement mondial tendu.
Une montée en puissance sur les plans numérique et qualitatif
En situation d’asymétrie, le submersible permet d’inverser le rapport de force en faveur de l’acteur le plus faible si celui-ci est doté du matériel adéquat. C’est pour ces raisons et dans un contexte de rivalité naissante avec les Etats-Unis que la Chine a entrepris, dès la fin des années 1990, un effort particulier pour renouveler et moderniser sa flotte vieillissante de sous-marins dont la plupart, de fabrication soviétique, étaient antérieurs aux années 1980. Pékin a ainsi fait l’acquisition de douze sous-marins russes d’attaque à propulsion conventionnelle de la classe Kilo. Parallèlement, l’armée chinoise a commencé à développer ses propres engins, des SNLE (sous-marins nucléaires lanceurs d’engin) de classe Jinet des SNA (sous-marins nucléaires d’attaque) des classes Han et Shang. Disposant d’une propulsion nucléaire, ces appareils peuvent rester immergé pendant de longues périodes réduisant ainsi les risques de détection par l’adversaire. A ces bâtiments se sont ajoutés les submersibles des classes Yuan et Song, Ming et Romeo à propulsion classique.
De taille comparable à sa rivale américaine, la flotte sous-marine de la marine de l’APL comprend actuellement soixante-dix bâtiments. Ces différentes unités se répartissent comme suit :
- Sous-marins à propulsion classique (Diesel / électrique) : Type Kilo (12), Type 033 Romeo (8), Type 035 Ming (18), Type 039 Song (16), Type 041 Yuan (4)
- Sous-marins nucléaires d’attaque : Type 091 Han (3), Type 093 Shang (2)
- Sous-marins nucléaires lanceurs d’engin : Type 092 Xia (1), Type 094 Jin (6)
Toutes ces unités sont dotées d’armement moderne qui les rend aptes à remplir leur mission d’attaque ou de défense. A titre d’exemple, les sous-marins Kilo sont équipés d’un système de missiles de croisière antinavire de fabrication russe particulièrement performant, le Sizzler ( 3M-54 Kalibr). La portée des Sizzler est loin d’être négligeable et atteint 220 à 300 km selon les versions. Le missile effectue la première partie de sa trajectoire à vitesse subsonique puis passe à Mach 3 pendant la dernière partie de son vol ce qui rend son interception difficile par les systèmes de défense antimissiles embarqués.
Le Sizzler fait partie de la famille des missiles Kalibr, missiles multirôles développés en Russie. Le système est conçu pour accepter plusieurs types d’ogives selon les missions : lutte antinavire ou attaque au sol. Il est faiblement détectable en raison de son diamètre réduit, de l’utilisation d’un revêtement absorbant les émissions radar et de sa vitesse variable.
Les SNA de la classe Shang possèdent quant à eux des systèmes de lancement vertical pouvant accueillir des missiles antinavires supersoniques chinois de type YJ-18.
Le rôle particulier des SNLE
Mais ce sont les SNLE de classe Jin-094A qui attirent le plus l’attention en raison de leur rôle central dans la dissuasion nucléaire de la RPC. Pékin dispose aujourd’hui de six sous-marins de ce type, équipés chacun de 12 tubes lance-missiles. Ces missiles, dont le code est JL-2 SLBM (Submarine Launched Ballistic Missile), transportent entre une et trois ogives nucléaires. Leur portée maximale est estimée à 7 200 km. La version JL-2 utilisée dans la marine est dérivée du missile balistique intercontinental (ICBM) DF-31.
Compte tenu de sa diversité, de sa modernisation et de la multiplicité des ses rôles, l’arme sous-marine chinoise est donc sans conteste en mesure de faire peser une menace réelle sur les marines adverses en cas de conflit. Ses trois principales fonctions sont complémentaires et se déclinent comme suit :
- Défense du premier glacis défensif pour les sous-marins conventionnels
- Appui aux unités de surface dans le deuxième glacis défensif pour les SNA
- Dissuasion nucléaire pour les SNLE
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laurent Gédéon (16 juin 2023). Les sous-marins chinois : un “game changer” stratégique ? Geopole. Consulté le 15 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/p04u
