La décision de la Cour permanente d’arbitrage en 2016

La Cour permanente d’arbitrage (CPA) a été saisie par les Philippines en 2013 dans le cadre de la dispute avec la Chine ; elle s’est déclarée compétente le 29 octobre 2015 pour examiner le différend entre les deux pays concernant les droits historiques ainsi que la source des droits maritimes dans la mer de Chine méridionale. Cette décision a représenté un revers pour Pékin sur le terrain judiciaire car le tribunal a rejeté les arguments chinois selon lesquels le conflit portait en réalité sur sa souveraineté territoriale.
Le refus de participation chinois
Le refus de participation chinois n’a pas empêché la procédure de se poursuivre. L’article 9 de l’Annexe VII (“Arbitrage”) de la Convention des nations unies pour le droit de la mer intitulé « Défaut » stipule en effet que « lorsqu’une partie au différend ne se présente pas ou ne fait pas valoir ses moyens, l’autre partie peut demander au tribunal de poursuivre la procédure et de rendre sa sentence. L’absence d’une partie ou le fait pour une partie de ne pas faire valoir ses moyens ne fait pas obstacle au déroulement de la procédure ». L’article 9 précise en outre qu’« avant de rendre sa sentence, le tribunal arbitral doit s’assurer non seulement qu’il a compétence pour connaître du différend, mais que la demande est fondée en fait et en droit ».
La saisine de la CPA par les Philippines et le rendu de la cour
La CPA a rendu sa sentence le 12 juillet 2016. Les Philippines, dans leur saisine, avaient choisi de retenir le troisième mode de règlement prévu dans le paragraphe 1 de l’article 287 de la Convention de Montego Bay, soit “un tribunal arbitral constitué conformément à l’annexe VII”. Cet arbitrage a porté sur la pertinence des « droits historiques » et de la source des droits maritimes dans la mer de Chine méridionale, le statut de certains éléments maritimes en mer de Chine méridionale et les droits maritimes qu’ils peuvent générer, ainsi que la légalité de certaines actions menées par la Chine en mer de Chine méridionale que les Philippines estimaient être en violation de la Convention (voir illustration ci-dessous).

De manière plus précise, Manille a demandé une décision arbitrale sur trois points de conformité avec la CNUDM :
- La validité des « droits historiques » revendiqués par la Chine en Mer de Chine méridionale,
- Les revendications de 200 milles marins exprimées par la Chine sur la base de certains îlots rocheux, de hauts fonds découvrants et de terres submergées,
- La légalité de l’ingérence de la Chine dans l’exercice par les Philippines de leurs droits au titre de la Convention.
L’arrêté de la CPA
Dans son arrêté du 12 juillet, la Cour a déclaré que « les allégations de la Chine relatives aux droits historiques ou d’autres droits souverains, ou sa juridiction en ce qui concerne les zones maritimes de la mer de Chine méridionale englobés dans le cadre de la « ligne en neuf traits », étaient contraires à la Convention et sans effet légal dans la mesure où elles dépassaient les limites géographiques et de fond des droits maritimes de la Chine en vertu de la Convention ».
La Cour a ajouté qu’il n’y avait aucune preuve que la Chine ait exercé un contrôle exclusif sur les eaux contestées ou sur leurs ressources. Le Tribunal en a donc conclu qu’il n’existait aucune base juridique pour la Chine de revendiquer des droits historiques sur les ressources dans les zones maritimes relevant de la ligne en neuf traits ». En outre, le tribunal arbitral a également jugé que les îlots occupés par la Chine dans les îles Spratleys n’étaient pas susceptibles de générer de zones maritimes car ces récifs avaient été fortement transformés par les travaux entrepris. Les juges « ayant constaté qu’aucun des îlots revendiqués par la Chine n’était en mesure de générer une zone économique exclusive, le Tribunal a conclu qu’il ne pouvait – sans délimiter une frontière – déclarer que certaines zones maritimes se trouvaient dans la zone économique exclusive des Philippines, car ces zones n’étaient pas couvertes par un droit possible de la Chine ».
En outre, dans son jugement, la CPA liste trois raisons pour lesquelles la Chine a violé les droits souverains des Philippines dans sa zone économique exclusive par : interférence avec l’activité de pêche et l’exploration pétrolière des Philippines, construction d’îles artificielles, absence d’interdiction faite aux pêcheurs chinois de pêcher dans la zone. De plus, la Cour a considéré que la Chine avait interféré avec les droits des pêcheurs philippins en limitant l’accès aux récifs des Scarborough.
Le communiqué de presse de la CPA (en français) relatif à l’arbitrage est disponible ici et le texte complet (en anglais) de l’arrêt ici.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Laurent Gédéon (27 janvier 2023). La décision de la Cour permanente d’arbitrage en 2016. Geopole. Consulté le 15 novembre 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/p04a
